Le fait que les Russes qui venaient s’installer sur les rives du Baïkal depuis le 17ème siècle devenaient forcément pêcheurs n’étonne personne. C’était dans les traditions de ce peuple. Mais les légendes racontent que les Bouriates, les enfants des steppes, les nomades, pratiquaient aussi la pêche, au contraire de leurs frères Mongols. Sur tous les anciens dessins sacrés (khourégue) représentant leur vie on peut voir les poissons qu’ils mangeaient et qu’ils utilisaient aussi pour les rituels sacrés. Chaque outil de pêche possédait son propre esprit protecteur. L'esprit protecteur du harpon s’appellait Khéréchi- noïon, celui des rames Khelméchi-khatan.
Dans le Baïkal il y a près de 50 variétés de poissons, 17 sont bons pour la pêche : le lavaret, l’ombre, le brachymystax lénok, le taïmen (hucho taimen), l’esturgeon, la lotte, la perche, le brochet, le gardon, la vandoise (leuciscus leuciscus), le carassin, la brème... et le fameux omoul (coregonus migratorius) de la famille des salmonidés, poisson endémique du Lac.
Le soir, les pêcheurs installent leur filets à 30-40 mètres de profondeur. Et tôt le matin, à l’aube, il faut les enlever vite car avec le lever du soleil les nierpas - les seuls phoques d’eau douce - s’activent pour avoir un bon petit déjeuner. Sinon, l’omoul est aussi pêché à la ligne dans les baies peu profondes. Plusieurs légendes et chansons glorifient ce poisson. Le Tonneau d’omoul reste le jouet préféré du Vieux-Baïkal.
Il est consommé sous toutes les formes : légèrement mariné au sel, dans la soupe, séché. Il n'est pas rare que les pêcheurs le préparent sur les lieux, dans des cages de séchage. Il faut au moins dix jours de temps sec et venteux pour obtenir la chair sechée et en même temps assez moelleuse.
Mais les autochtones l'aiment surtout fumé. On le fume “au chaud”, la grille est posée dans une petite cage avec les braises, le poisson cuit et fume en même temps. Ou bien “au froid” quand la fumée arrive par une longue cheminée déjà toute refroidie dans la cage avec les omouls suspendus.
La pêche ne s’arrête pas en hiver. Il existe une technique d’installation ingénieuse de filets sous la glace. Il faut d’abord tirer une corde bien longue d’un trou à l’autre, fixer les deux bouts à la surface de la glace. Ensuite les filets sont suspendus à la verticale le long de cette corde.
Dans la Petite Mer ou vers le nord du Lac on peut souvent voir les tentes sur la glace, appelé ici les “kamtchatka”. Ce ne sont pas les touristes qui campent! Les pêcheurs s’abritent dedans des vents violents. A l’intérieur : des bancs sur les côtés et même un poêle pour se rechauffer, “par terre” la glace et un trou pour tirer les filets. A l’intérieur, un effet divin : le plafond est bas et sombre, et, sous les pieds, un gouffre, mais très clair, avec la lumière du soleil qui traverse la glace, et jaillit en bas de la tente !
Au mois de mars sur les berges de la Petite Mer les amateurs-citadins arrivent nombreux. Les concours sont nombreux : le premier poisson à pêcher, le plus gros poisson, le plus lourd, le plus de poissons en nombre...
Extrait du livre "Baïkal. Esprits et secrets cachés" publié par AlpeSibérie. Auteurs: Denis Vidali, Irina Muzyka, Sergueï Belov. 2014